mardi 3 avril 2012

Article paru dans Rictus Magazine

Ottorino Respighi et Gérard Jan

mercredi 18 janvier 2012 par Gabriel CloquetCC by-nc

De Respighi, compositeur impressionniste du XX ème siècle, à Jan, peintre de monotypes impressionnants du XXIème.
La réalité d’une situation imprévue et surprenante avec l’impression que deux œuvres sont en adéquation alors qu’à priori rien ne les rapproche culturellement peut-elle être vécue comme une absurdité ?
La sensation structurée et inconsciente d’avoir vécu musicalement l’image présentée par un monotype à l’encre de Gérard Jan nous a récemment provoqué.
Il s’agissait d’évaluer les traits communs de ces deux œuvres pour essayer de sortir d’un imaginaire à priori perturbé.
Le poème symphonique " Pini di Roma" d’Ottorino Respighi dans sa troisième partie "Pini del Gianicolo" évoque de manière signifiante cette atmosphère romaine.
La nuit, l’ombre des arbres, les ruines et le silence entre les notes qui font la vraie musique : le solo somptueux de clarinette et le clair-obscur de la gravure qui "dégage l’image des ténèbres".
Le musicien, influencé par Debussy, donne une conception voluptueuse de la nuit romaine avec un champ d’oiseau sur le murmure des feuilles de l’arbre.
Le peintre décrit le même dépouillement.
"je vous dois la vérité en peinture" disait Degas en commentant ses monotypes. La même impression se réalise dans l’analyse du dessin : la pudeur et la détermination, les délices somptueux d’un moment rare avec l’idée synthétique d’éléments antinomiques, modernes et classiques, voire romantiques.
Ces deux créations semblent s’illustrer l’une l’autre et s’éclairent comme des miroirs opposés.
Les quelques minutes de sérénité et de bonheur intense, vécues de façon fortuite et inespérée ne nous empêche aucunement de penser à ce vieil adage allemand "Einmal ist keinmal" : une fois ne suffit pas, une fois ne compte pas.
Osons parfois, si cela est, commettre un délit d’interprétation surprenant.
Gérard Jan est présenté en permanence à la Galerie Chantal Mélanson à Annecy


lundi 2 avril 2012

Extraits d'articles parus dans Pratique des Arts et Artistes Magasine


Entretient avec Françoise Coffrant. Artiste Magazine.
« Les sujets se présentent à moi, je ne les cherche pas. Je m’imprègne de ce qui m’entoure, mon environnement propose de nombreuses sources d’inspiration. Mes voyages, en Italie surtout, me permettent de travailler sur les thèmes qui me sont chers, des architectures souvent colorées, aux formes élégantes, en harmonie avec des paysages aux allures de jardins. J’y puise des registres de forme et de couleurs, des atmosphères reliées à des souvenirs. Mon travail, mes images sont les manifestations d’un témoignage, d’un regard singulier porté sur les choses, et mes intentions se révèlent dans ces rencontres particulières avec ce qui me touche ».
Entretient avec David Gauduchon. Pratique des Arts.
«  Mon gout pour les balades et les voyages sont au cœur de ma peinture. J’ai une passion pour les arbres et les collines qui entourent le pays toulousain et, a contrario, pour les architectures urbaines, celles de l’Italie qui offrent un véritable voyage dans le temps : l’élégance graphique des cyprès, les ombres et les lumières qui découpent des paysages minimalistes…j’aime aussi traduire cette impression de nonchalance palpable, propre au caractère méditerranéen. La matité du pastel sied si bien à cette réalité douce, à la fois sculpturale et minérale.(…)
Un sujet est avant tout une évidence, une affaire de rendez-vous qui doit susciter le besoin impérieux d’être prolongé, comme une rencontre. Je guette le spectacle de la lumière, souvent sensuelle, qui me renvoie à ce que j’appelle la psychologie des couleurs, intimement liée à mon état d’esprit du moment. La nature permet de se renouveler, d’éviter toute forme d’ankylose. Face à l’infinité des nuances qu’elle recèle, je ressens très souvent le besoin de resserrer les enjeux colorés, deux ou trois teintes et leurs complémentaires, tout au plus.
Portrait :
Toulousain d’origine, Gérard jan « étudie la gravure aux Beaux-arts de Toulouse de 1979 à 1985, dans l’atelier de René Izaure. Après avoir exercé son métier de taille-doucier et travaillé entre autre pour l’édition, il découvre le pastel dans les années 1990 et poursuit parallèlement une recherche autour du monotype. De 2006 à 2009, Gérard Jan multiplie les séjours en Italie ou il se passionne pour la renaissance italienne à Florence et pour la Rome antique.
Ses œuvres sont régulièrement présentées à la galerie Chantal Mélanson (Annecy), à la galerie Yves Callet-Molin (Vevey, suisse), à la galerie Peinture Fraiche (Paris), à la galerie Jean-Claude Cazaux (Biarritz)…
Pour connaitre le programme des prochaines expositions en France et à l’étranger : www.gerardjan.com







dimanche 1 avril 2012

Chantal Mélanson , texte pour Gérard Jan


Le rouge du vin pousse la nuit pour éclairer les secrets.




Ne rentre pas qui veut dans les oeuvres de Gérard Jan
qu'est -ce qui vient à lui ?
Qu'est-ce qui vient à toi ?

Quel est ce cotoiement de l'apparente mélancolie aux frontières de l'apaisement.

Pose et arrêt immuables, lisière de l'indicible,
Epure volontaire qui ne sait rien.
Ce n'est pas le vent qui décide , c'est la lumière
Les arbres se veulent la haut , très haut, « nus et entier.
quelque chose s'impose dans un sillon qui observe , plus qu'il n' est observé.
il lui faut tout ce silence pour être à lui seul  ,........ et pour un autre.

Des oeuvres qui s'ancrent aux souvenirs à venir, un sacré sans église .
Le vivant est tranquille,s'érige ou bascule , s'étire ou se penche, on peut entendre chanter au loin, dans ce présent,  les brumes « s'inspirent » à voix basse dans la solitude du désir.

La lumière est partout, au coeur des murailles de l'ombre.

Une oeuvre d'une rare beauté.

chantal mélanson

Exposition de gravures Université Bordeaux 3. Texte de Michel Wiedemann

Gravures de Gérard Jan


Gérard Jan, né en 1961, issu d’une famille de vignerons du Minervois, a forligné en entrant à l’école des Beaux Arts de Toulouse. Il a suivi là-bas le cursus ordinaire et a rencontré le dessin et la gravure réunis en la personne de René Izaure. Ce professeur, lui–même élève de Louis Louvrier, héritier scrupuleux de la gravure de reproduction du XIXe siècle, lui a transmis son intérêt pour les paysages méridionaux , marqués par les saules, les cyprès, les canisses et le vent. De cet enseignement, Gérard Jan a retenu à son usage les techniques de l’eau-forte et de l’aquatinte qu’il combine volontiers.

Il a surtout rencontré Piranese. Ce graveur architecte du XVIIIe siècle s’est illustré par des vues de Rome, et de ses environs, des antiquités de Pompéi et d’Herculanum, des relevés exacts de décors de sarcophages, d’inscriptions, d’objets de fouille, de statues et de vases. Mais la valeur artistique des gravures de Piranese se manifeste encore dans des architectures imaginaires, rendues gigantesques par le rapetissement des figures humaines, par les perspectives surprenantes, au ras de l’eau, au ras du sol, à vol d’oiseau, par les vues de prisons fantasmées, peuplées de captifs, enfoncées de plusieurs étages sous la terre, meublées d’instruments de tortures et de machines délabrées. A ces paysages ne manquent pas les mendiants, les ouvriers des fouilles, les curieux d’antiquité, les captifs, mais sur tout ce monde plane l’ombre de la mort, les os sortent de la terre et des sarcophages, les inscriptions dans le marbre se brisent, les édifices les plus majestueux s’écroulent et ne ressuscitent que dans les vues idéales de l’architecte. De Piranese, Gérard Jan a d’abord gardé les lumières qui tombent dans des bâtiments obscurs (Formes du silence), l’éclairage rasant qui fait ressortir la texture des pierres, des briques, du métal et du bois (Chemin de travers, Evoutement de la lumière). Il a emprunté à Piranese l’arche noire, le point de vue au ras de l’eau du Pont incendié, il lui doit aussi le goût mélancolique pour le spectacle de la ruine. Saint Etienne, cathédrale de Toulouse, Saint Sernin, les Jacobins ne sont pas encore écroulés, mais dans Dérive immobile, Découverte du temps qui s’achève, Le monde parallèle, on voit ces édifices envahis de végétaux grimpants, encombrés de palissades, de planches, d’outils abandonnés, les voûtes écroulées, les arcs à ciel ouvert. A part les deux moines passant avec leur bourdon devant l’église gothique de Le monde parallèle, et une foule armée de piques sur le pont de Toulouse (Le pont incendié), les ruines sont désertes. Le Moyen-Age a remplacé l’Antiquité dans le vocabulaire des formes, puis les formes gothiques ont été remplacées par les édifices du XIXe et du XXe siècle : pile de viaduc en pierre de taille, pont de chemin de fer en ruine, château d’eau en briques, dépôt de chemin de fer, maison d’éclusier, passerelle métallique, demeures néo-gothiques, cabanes d’ostréiculteur, mais la méditation continue sur les marques du temps, la dégradation des œuvres humaines, la chute des civilisations, et tout objet abandonné dans le bric-à- brac obscur entre deux contreforts, sous une voûte d’escalier, devient une vanité, un memento mori de notre temps.

Il y a cependant une vie dans ces monuments et ces paysages déserts, on en a des traces : les voiles qui sont suspendus devant les monuments médiévaux de Toulouse (Découverte du temps qui s’achève, Ciel ouvert , Dérive immobile), indices de chantier, les objets abandonnés, planches, roues, pieux, cercles de tonneaux, fenêtres, ferrailles, escalier, échelles, grilles, bâches, garde-fou, fagots de piquets, reliques du travail humain dont les empilements sont l’indice d’une retraite inexpliquée. Dans la campagne, les troncs même des saules portent les marques des tailles d’antan. Mais la vie vient du vent : les herbes sont couchées par son souffle, les canisses sont à terre, les cyprès n’ont plus de branches ni d’aiguilles, ce sont des flammes qui s’élèvent en ondulant.
Le mouvement vient aussi des lignes du dessin , des obliques qui traversent l’image et contredisent la frontalité des vues monumentales. Il vient enfin du cadrage qui coupe les objets, (Galerie, Le pilier, Le dépôt) et oblige à poursuivre les lignes hors champ.

Anticipation de la ruine, mélancolie, silence de l’homme, mais aussi survie de ses traces dans les choses, acuité sans pareille du regard sur les matières, netteté de la lumière et des effets qu’elle produit, tels sont les traits du monde que Gérard Jan a conçu, puis quitté pour explorer d’autres voies.